dimanche 2 juin 2013

Réflexion sur la relation soignant-soigné: une expérience riche d'enseignement.

Bonsoir cher lecteur,

j'avais envie de partager avec toi l'expérience de ma 2nde échographie.
Ah oui, c'est vrai, j'ai oublié de t'annoncer cette merveilleuse nouvelle: je suis enceinte!! Voilà maintenant 6 mois que j'ai la chance d'accueillir en mon sein ce miracle de la vie!! Du pur bonheur et plein de découvertes... mais ça je t'en dirai plus dans de prochains articles. ;-)

Je ne te cache pas que ce fut une expérience douloureuse. Mais toute expérience est bonne à prendre, tu ne crois pas? Bien sûr dans l'instant, on ne voit que le côté négatif de ce que l'on vient de vivre, on voudrait même que cela ne soit jamais arrivé!
Aujourd'hui, avec le recul, je sais bien que si j'ai rencontré cette expérience, c'est bien que j'avais quelque chose à y apprendre...

Je suis donc allée faire ma 2nde écho (celle que tu fais à 22SA). Au début je ne voulais même pas aller la faire. C'est vrai que ça peut paraître un peu surprenant qu'une sage-femme puisse dire cela, mais je savais bien que mon bébé allait bien et je n'avais nul besoin d'ultrasons pour me le dire (mais ça c'est un autre débat...).
Aprés avoir discuté avec mon amie et collégue sage-femme, je decidai tout de même de faire cette écho.

J'y allais donc, ce jour là, vraiment contente et presque avec hâte de voir des images de mon bébé.
(Il y a un détail important que je dois te spécifier: j'y suis allée seule car mon mari était au Brésil et je devais rester en France pour attendre mon visa.)
J'étais entrée dans le cabinet d'écho toute souriante et j'en ressortais en colère, avec un sentiment immense d'injustice.
Cela ne s'est pas passé du tout comme je l'imaginais.

Presque aussitôt arrivée dans la salle d'attente, je fus appelée. J'entrai dans la salle d'écho et enlevai mes chaussures et mon pantalon. L'échographe entra à ce moment là, me demanda de m'allonger sur la table d'examen. Je m'exécutai. Il commença à appliquer une tonne de gel froid sur mon ventre en me demandant qui suivait ma grossesse. Je dis alors la chose à ne pas dire : que j'étais sage-femme et que je suivais moi-même ma grossesse. Je crois que ce fut le facteur déclencheur de ce qui suivit.
Il commença alors à me sermonner sur le fait que je ne pouvais pas suivre ma grossesse, je n'avais pas le recul nécessaire et que c'est comme ça qu'arrive des catastrophes...Et vint le fameux dicton : " c'est toujours le cordonnier le plus mal chaussé".
Je ne dis rien, je n'avais pas envie de lui expliquer ma situation particulière et le fait que je n'avais plus de protection sociale à cause de mon statut d'expatriée... Je voyais bien de toute façon qu'il n'était pas en mesure de m'écouter.
Et ce fut ainsi tout le temps de l'examen. Pendant 45mn, cet homme ne cessa d'être désagréable et de me déblatérer tous les problèmes qu'un échographe peut rencontrer quant à la responsabilité qu'il a de faire des échographies anténatales, que ceci est peu rémunéré, qu'il ne gagne pas sa vie avec cela et que les jeunes d'aujourd'hui ne veulent plus assumer autant de responsabilités pour une si petite rémunération (à ses dires ils préfèrent "compter les métastases, ça rapporte d'avantage")....bref, bientôt il n'y aura plus aucun médecin pour dépister des anomalies anténatales et nous allons avoir des enfants malformés, handicapés, trisomiques...et "les parents ne pourront pas se plaindre car tout le monde s'en fout!".
Quand j'essayer d'être un peu optimiste quant à ses dires, il m'envoyait que "ma pauvre, vous vivez dans le monde des bisounours! Mais ouvrez les yeux!".  Je ne tentai donc plus aucune intervention, ne faisant qu'acquiescer ses propos.
A mon grand regret, pas une seule fois il m'expliqua ce que l'on voyait sur l'écran du moniteur! Il était trop concentré à me donner le pourcentage d'enfants handicapés qui était en hausse ou encore à me raconter l'incompétence de ces collègues échographes face au diagnostic de la trisomie 21.
Je restais passive, frustrée de ne pouvoir vivre ce moment comme un moment exceptionnel pour tout parent d'un 1er enfant. J'essayai de prendre du recul, de m'isoler de cette situation en me focalisant sur l'écran où je pouvais reconnaître certaines parties du corps de mon bébé.

C'est là que je me rendis compte que le fait même d'être seule, en petite culotte, allongée, face à ce vieil  homme aigri me paralysait. J'avais l'impression d'être une petite fille que l'on corrige parce qu'elle s'est male conduite. J'étais incapable de bouger, ni même de remettre cet homme à sa place. L'idée de partir me traversa l'esprit mais j'étais comme figée, attendant que ça passe. Un fort sentiment d'injustice et d'impuissance me submergea. Même le passage de la sonde sur mon ventre nue était devenue d'une violence inouïe! Je me sentais violais dans ma propre intimité de femme et de mère. De quel droit cet homme pouvait nous traiter ainsi, moi et mon bébé? J'étais simplement venue pour passer un moment agréable, voir des images de mon bébé. J'aurais voulu que ce soit un bon souvenir et non une torture!

Quand je sortis du cabinet, il me dit: " vous avez de la chance, celui-ci est normal!". C'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase.
J'avais envie de pleurer et de hurler à la fois! Ce que je fis, silencieusement dans les toilettes. ( oui tu peux crier silencieusement, c'est possible, je t'assure! Tu ouvres grand la bouche mais aucun son ne sort: c'est ça crier silencieusement. Mais attention, il faut le faire avec l'intention réelle de crier! :-) sinon ça ne soulage pas.)

Tout ça pour vous dire combien je comprends, maintenant (encore mieux, car j'imaginais déjà avant),  la situation dans laquelle les femmes (allongées, presque nues) peuvent se trouver au moment de l'accouchement face à l'équipe médicale (en blouse, debout). J'ai compris dans quel état de fragilité on peut se sentir et que même si l'on pense pouvoir dire les choses, au moment où l'on se trouve dans cette configuration là, il en est tout autrement. Et de nombreuses histoires vécues, que l'on avait enfouies dans notre subconscient peuvent refaire surface.

Comme de bons amis me disent souvent: "les mots n'enseigent pas, seule l'expérience enseigne".

Merci pour cette expérience.